Retranscription vidéo : « Thématique : Réalités de terrain au niveau financier » Campagne 2020 ASPH

Daniel Tresegnie – Direction Générale Personnes Handicapées

Il y a tellement de choses qui ont évolué. Je crois que ça a quand même évolué au niveau des allocations, qui étaient mon premier domaine. Je parle au niveau législatif, du montant des allocations, de la manière dont les allocations sont octroyées, de la manière dont le handicap est évalué, etc.

Par rapport à ce que j’ai connu en commençant, où on fonctionnait encore avec un guide barème qui était presque une copie conforme du barème officiel belge de l’invalidité, qui lui émane des Invalides de guerre en 1914. C’est clair que la prise en compte du handicap a tout à fait changé.

Marius Hanon – AVIQ

Au niveau déjà de l’approche des dossiers, je pense que ça s’est fortement humanisé. Ce que je vais dire va être caricatural, mais peut-être bien qu’au départ, le citoyen qui demandait une allocation, il y avait un sentiment de méfiance par rapport à ce citoyen, de peur que ce soit quelqu’un qui ne soit pas réellement une personne handicapée, qu’il dissimule des revenus.

Je suis persuadé qu’à l’heure actuelle, et je parle de mon ancien service, la Direction générale Personne Handicapée, cette tendance est complètement inversée. On a véritablement la volonté d’appréhender la personne en tant que personne, de lui faire confiance et de vouloir l’aider. Ce climat de méfiance dans la gestion des dossiers a disparu.

Lucie – Volontaire ASPH

Je remarque quand même qu’au niveau de la mutuelle, les médecins que j’ai vus étaient sensibilisés au handicap invisible. Donc ça c’est déjà positif. Parce que j’entends quand même souvent des témoignages que ce n’est pas le cas. Moi à ce niveau-là j’ai chaque fois rencontré des médecins sensibilisés.

Il y a beaucoup de personnes qui sont handicapées qui ne savent pas travailler et du coup, qui sont dépendantes d’allocations sociales. Parfois, ces allocations sont très basses, et cela ne permet pas toujours de vivre de façon sereine, de se projeter. On vit au jour le jour, car on a très peu de moyens. On a déjà une pathologie qui demande plus de soins médicaux, on n’a pas toujours les moyens, puisqu’en gros, on doit payer son loyer, ses courses, et c’est à peu près tout.

Marius Hanon – AVIQ

Je pense que les personnes en situation de handicap qui perçoivent par exemple l’allocation de remplacement de revenus / allocation d’intégration, ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts.

Claire – Volontaire ASPH

Les allocations d’intégration et allocations de remplacement de revenus sont données compte tenu de la personne avec qui on va vivre. Si la personne avec qui on vit gagne beaucoup, on ne va rien recevoir, alors que le handicap est là et qu’on a quand même besoin de kiné, de médicaments, d’aller à la piscine, de suivis médicaux plus grands que les personnes « normales ». pour moi, une personne handicapée ne veut pas dire revenus, pour moi, personne handicapée veut dire personne ayant plus de difficultés dans la vie de tous les jours, mais travaillant ou ayant des activités autres. Tout ce qui est lien, amour, mariage, la plupart des personnes handicapées évitent cela, parce qu’elles savent qu’elles ne vont plus rien recevoir après.

Iris – Volontaire ASPH

 C’est un problème au niveau budget, et donc c’est un problème de devoir m’installer avec mon compagnon à l’heure actuelle. Je me demande vraiment quand est-ce qu’un jour on pourra comprendre qu’on peut s’installer avec son compagnon sans devoir être coupé de ses droits financiers.

André Gubbels – Direction Générale Personnes Handicapées

Je reste… c’est une problématique pour laquelle je travaille. Quand on est sur les allocations personnes handicapées, qu’est-ce que vous faites ? Vous accordez des revenus à des personnes qui n’en ont pas, et c’est important ça. Mais l’expérience que vous avez-vous-mêmes du handicap, ce n’est pas un revenu, c’est une identité, une participation. Et vous savez que, en fait, payer quelqu’un simplement, ça lui permet de survivre, mais ça ne lui donne pas une identité, de la décence, par rapport à ça. Depuis 50 ans, et les choses ne font que s’accroître, on est dans une société qui, de plus en plus, déclare les gens handicapés. Quand vous regardez les allocations, pourquoi le nombre d’allocataires a doublé en 10 ans et n’arrête pas d’augmenter ?

Daniel Tresegnie – Direction Générale Personnes Handicapées

Il y a tout un aspect… il y a l’aspect législation, il y a l’aspect information des gens, il y a l’aspect communication qui joue aussi. Ce n’est pas toujours un élément isolé.

André Gubbels – Direction Générale Personnes Handicapées

En fait, ce ne sont pas les personnes handicapées qui deviennent moins capables, au contraire. On a justement, même en matière d’éducation, des gens de plus formés, mais on a une société qui exclut de plus en plus, avec des exigences sur le marché du travail qui font effectivement que… Il n’y a pas que les personnes handicapées, si vous n’avez pas de diplôme, vous avez encore moins de chance d’avoir un emploi. Et ça, ça me préoccupe énormément, parce que c’est quelque chose qui est une tendance structurelle, une tendance lourde, et qui va poser des contraintes majeures sur la société où on vit. Ça créée ce décalage très fondamental qu’on a actuellement dans le marché du travail. Qu’est-ce qu’on peut faire dans le cadre du handicap ? Je pense qu’il y a deux choses qu’on doit faire. On doit penser : qu’est-ce que c’est le travail ? Et entre travail et non travail, réfléchir à des formes alternatives de travail. Et il y a derrière un vrai défi, je pense, actuel et contemporain à revoir complètement le mécanisme sur lequel je travaille actuellement qui est : qu’est-ce qu’une personne handicapée et à quoi sert l’allocation ? Donc ça pose des problèmes majeurs, ça pose par exemple un problème très concret, que les gens ne se rendent pas compte, c’est : actuellement, pour quelqu’un, demander une allocation, il doit prouver qu’il est incapable de travailler, c’est ce que dit la loi ! Donc vous êtes dans un processus assez étonnant, où pour avoir de l’aide, vous devez vous dévaloriser et vous déqualifier. Comment voulez-vous, quand vous entrez dans un processus pareil, vous qualifiez les gens et vous intériorisez tout ce qu’ils ne peuvent pas faire, travailler sur les compétences ? Il y a quelque chose, dans la construction de la participation, qui est : soit vous travaillez et vous êtes salariés, soit vous ne travaillez pas et vous avez une allocation, quelque chose qui est profondément, je dirais… Qui est à l’origine même du problème.