Jean-Paul Procureur
Oui bonsoir, il faut que les bâtiments publics soient accessibles pour les personnes à mobilité réduite. C’est écrit dans la loi depuis 1975, mais depuis lors, on n’a pas vraiment fait de grands progrès. C’est le constat établi par Test-Achats dans une enquête sortie au mois de janvier. Martine van Vliet nous expliquera, dans cette émission, ses difficultés quotidiennes à Uccle, où elle habite. En face d’elle, son échevin des travaux, Marc Cools. Sur le plateau de Cartes sur table aussi, Gisèle Marlière, présidente d’une importante association de handicapés. Tout de suite, le reportage : Véronique Fievet.
[Générique de l’émission]
Voix off
Se déplacer, bouger, acquérir une mobilité, ce sont des difficultés que Martine van Vliet connaît bien. À force de patience et de débrouillardise, elle a acquis une réelle autonomie. Cette autonomie bute pourtant sur certains gestes banals pour la plupart des gens.
Martine van Vliet
Avoir de l’argent liquide est l’une des difficultés de la vie quotidienne. C’est surtout la lecture des numéros qui est difficile.
Voix off
Depuis quelques années, des dispositions ont été prises pour faciliter l’accès des lieux publics aux personnes handicapées. À Uccle, on y a réfléchi : une volée d’escaliers rendant la maison communale inaccessible, on a donc prévu un accès par l’arrière du bâtiment. L’intention était bonne.
Martine van Vliet
Je ne sais pas rentrer, je suis en chaise roulante, monsieur.
Réceptionniste
Ah, et c’est pour quel document, madame ?
Martine van Vliet
C’est pour aller aux passeports, monsieur.
Réceptionniste
Aux passeports, OK. J’appelle quelqu’un.
Martine van Vliet
Il y a trois marches. Ma voiturette est à 40 centimètres de large, c’est la plus étroite du modèle adulte une chaise électrique ne passe pas et dans l’ascenseur, une chaise électrique ne rentre pas.
Voix off
Par chance, ce jour-là, le préposé était costaud, et après quelques efforts, Martine réussira même à glisser son fauteuil dans l’ascenseur. Des difficultés que ne rencontrent pas seulement les personnes en chaise roulante.
Martine van Vliet
Ça dépend ce qu’on considère comme personne handicapée. Moi j’estime que les mères, qui se promènent avec des landaus, ce sont déjà des gens qui ont des problèmes de mobilité. Même si ce n’est pas un handicap.
Jean-Paul Procureur
Oui, effectivement vous avez raison madame van Vliet. Et à propos de l’ascenseur, on peut dire que des ascenseurs comme ça, vous en rencontrez de temps en temps.
Martine van Vliet
Et même à la RTBF Charleroi !
Jean-Paul Procureur
Effectivement, on a un ascenseur qui ressemble furieusement à l’administration communale d’Uccle Heureusement, on a aussi un tout grand ascenseur pour monter des décors donc vous avez pu venir jusqu’à nous. Alors en face de vous, monsieur Cools, vous êtes échevin des travaux à Uccle, vous avez accepté notre invitation. Dans les courriers échangés par madame van Vliet avec Uccle, déjà depuis pas mal de temps, c’est toujours à peu près la même chanson qui revient : c’est que, bon… on fait preuve de bonne volonté, mais tout n’est pas possible, il y a des limites.
Marc Cools
C’est vrai que nous avons des difficultés avec la maison communale, les images le montrent bien. C’est un bâtiment de la fin du 19e siècle et qui n’a pas été conçu pour les problèmes des handicapés. Maintenant, il faut voir que la commune gère une centaine de bâtiments différents, dont plusieurs bâtiments administratifs et nous avons progressivement adapté tous nos bâtiments. Le dernier était le bâtiment (inaudible). Je pense que le principal bâtiment administratif a l’accès handicapé, c’est vrai que ce n’est pas le cas la maison communale. Tout ce qui est dit dans le film est vrai. Pour l’ascenseur, là, nous avons commandé un nouvel ascenseur, c’était au budget de l’année dernière donc le marché public est en cours. Et donc dans quelques mois, on va effectivement avoir un ascenseur plus grand celui-ci datait bien d’une quarantaine d’années, il n’était pas adapté. Mais nous avons aussi le problème de l’adaptation de la maison communale. Par l’entrée où madame est passée, on ne sait rien faire. Parce que…
Jean-Paul Procureur
Quand on parle de plan incliné, c’est pas de ce côté-là ?
Marc Cools
Le problème n’est pas seulement le plan incliné, c’est la largeur de couloir qui est beaucoup trop petite, c’est le radiateur, il y a des murs porteurs, il y a un escalier qui encadre ce couloir donc on est coincé. On pourrait faire un sens unique à l’arrière de la maison communale, on l’étudie, cette suggestion du bourgmestre qui permettrait d’avoir un trottoir plus grand et donc de pouvoir faire une pente inclinée, mais même ainsi, on est encore confrontés au problème de l’étroitesse du couloir. Donc nous réfléchissons plutôt à créer une autre entrée dans la maison communale.
Jean-Paul Procureur
Madame Marlière, donc vous êtes présidente l’ASPH et vous avez sorti il n’y a pas longtemps un livre justement sur ce problème de l’accessibilité pour les handicapés. Quand vous entendez cette réaction, bon… il y a des limites, il y a un radiateur, il y a une bouche d’égout, tout n’est pas possible.
Gisèle Marlière
Il y a des limites à vivre. J’ai envie de dire, quand j’entends cela. Parce que, effectivement, il faut être cohérent. Et je peux entendre, très aisément, que tout n’est pas facile et qu’on ne peut pas tout obtenir en une fois. Mais entendre qu’on a mis des années pour, par exemple, aborder le problème d’un plan incliné. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de difficultés. Mais le plan incliné, maintenant j’entends qu’effectivement, on y songe, ou on songe à une autre entrée, c’est sans doute heureux et l’émission ou l’édition d’articles dans Test Achats ou dans d’autres magazines ne sont pas anodins et font avancer la problématique. Mais il n’empêche que cette problématique notamment de plans inclinés, me semble-t-il, peut être abordée, peut être envisagée.
Jean-Paul Procureur
Quand on vous dit : ça coûte de l’argent, c’est cher, c’est peut-être un investissement important pour la communauté, mais qui ne concerne que quelques personnes ?
Gisèle Marlière
Il y a beaucoup de choses qui coûtent cher et je pense que beaucoup de monde en Belgique participe, je dirais, à la vie de tous les jours par le biais des contributions. Et donc, je pense que nous sommes dans un pays qui avons les moyens de choisir dans quoi on investit. Et la défense du droit des personnes, notamment des personnes handicapées, et bien, ça passe par, effectivement, les cotisations.
Marc Cools
Madame Marlière, une petite remarque, en tout cas dans le chef de notre commune, ça n’a jamais été des problèmes financiers. Nous n’avons jamais dit que pour des raisons de coûts budgétaires, on ne faisait pas un plan incliné. Il y a déjà un an, un an et demi, on a fait faire une étude par un architecte communal, qui nous a montré les problèmes techniques qu’il y avait et l’impossibilité qu’il y avait de le faire là, à l’endroit où madame est rentrée. Donc on est confrontés à des problèmes techniques
Gisèle Marlière
Et c’est un architecte qui a, comment… une connaissance des problématiques et des aménagements au niveau des adaptations pour les personnes handicapées ?
Marc Cools
C’est la personne qui a fait les aménagements dans d’autres bâtiments publics, parce que…
Jean-Paul Procureur
On a parfois tendance à penser que pour résoudre des problèmes techniques, il suffit alors de l’argent.
Marc Cools
Mais justement, ce n’est pas toujours le cas. Je prends ici l’exemple : nous ne savons pas résoudre le problème par cette entrée-là, à moins de démolir les murs porteurs, de démolir la cage d’escalier, enfin, on est confrontés à une révolution dans le bâtiment. Donc nous devons effectivement envisager de créer, purement et simplement, une autre entrée dans le bâtiment. Je voudrais quand même souligner que le service des affaires sociales, où se trouve le service des handicapés, se trouve dans un autre bâtiment qui est tout à fait accessible.
Jean-Paul Procureur
Madame van Vliet, vous reconnaissez qu’à Uccle, on fait des efforts. Quand on vous dit que pour le bâtiment principal, il y a des limites techniques, et que, vraiment, c’est insurmontable, c’est un blocage insurmontable, vous le croyez plus ou moins ?
Martine van Vliet
Il y a toujours moyen de trouver les solutions et notamment, en regardant la maison communale, je me dis qu’en mettant un lift, comme il y a au British muséum ou au Grand Palais à Paris, le long des escaliers de la maison communale, et bien… bon, il faut… débloquer les fonds pour avoir un lift électrique ce qui est cher, bien sûr. Mais on arriverait dans le hall d’entrée de la maison communale sans problème. Donc, en fait, il y a toujours moyen de trouver des solutions
Jean-Paul Procureur
Donc un ascenseur sur lequel on place les voiturettes.
Martine van Vliet
Un lift qui longe les marches de…
Jean-Paul Procureur
Monsieur Cools ?
Marc Cools
C’est une des deux solutions qu’on envisage pour le moment. Non pas le long de l’escalier parce que ce serait dommage au niveau perspective. Mais via le -1, il y a des entrées sur le côté où on pourrait mettre, effectivement, un élévateur. C’est une des solutions qui est à l’étude. Mais donc nous essayons progressivement, effectivement, d’adapter tous nos bâtiments, parce que nous sommes conscients des difficultés des personnes handicapées.
Jean-Paul Procureur
Quand vous dites « c’est dommage pour la perspective » c’est une question d’esthétique ?
Marc Cools
Oui, ce bâtiment n’est pas classé, la maison communale, mais c’est quand même une maison communale remarquable donc nous essayons, à la fois, de trouver une solution qui rencontre l’objectif de faciliter l’accès aux personnes handicapées et je voudrais également souligner que quand des personnes handicapées téléphonent à la commune, très souvent, on envoie un (inaudible) de la commune avec une voiture chez eux les chercher, mais nous essayons aussi de trouver une solution qui préserve quand même l’esthétique du bâtiment. Ça, c’est logique et cohérent.
Jean-Paul Procureur
Oui. Gisèle Marlière, on a l’impression parfois que les priorités ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
Gisèle Marlière
Non. C’est vrai que l’esthétique est une chose. J’entends aussi et je viens bon…La valeur de bâtiments culturels est classée. Il n’empêche que, en tous les cas, ici il s’agit d’une administration communale, l’administration communale… une administration de communale, c’est quand même, je dirais, le lieu essentiel et je vais utiliser un mot, qui est quelquefois galvaudé où on peut je dirais mettre en évidence ou faire participer en tant que… participer en tant que citoyen c’est quand même essentiel, il y a des bâtiments qui passent avant d’autres et effectivement, pour nous, l’administration communale, c’est un lieu de vie active. Peut-être que d’autres bâtiments, on peut entendre qu’il n’est pas toujours possible ou qu’il n’est pas aisé de faire des adaptations, mais une administration communale… Mais j’entends qu’il y a une bonne volonté de votre part ! Et je suis heureuse d’entendre que pour une fois, ce n’est pas l’aspect financier qui va bloquer le dossier.
Martine van Vliet
Quand j’ai une fois été au Conseil communal, il m’a été répondu qu’on ne ferait jamais de plan incliné à la maison communale.
Marc Cools
Vous n’avez pas rencontré mes services, je crois, à ma connaissance, qui sont en charge de ce dossier. Nous avons, nous, la volonté effectivement, à la commune de trouver une solution nous l’avons d’abord fait dans tous les autres bâtiments qui n’était d’ailleurs souvent pas adaptés aux handicapés y compris les bâtiments administratifs et qu’il n’y a qu’une toute petite partie des services, essentiellement l’état civil, qui est à la maison communale. Tous les autres services sont disséminés dans d’autres bâtiments. Nous les avons progressivement, un après l’autre, tous adaptés. C’est vrai que symboliquement à la maison communale, c’est aussi important, et puis, c’est les services importants l’état civil, et, mais c’est le plus difficile à adapter, de par l’ancienneté du bâtiment. Et on est en train de chercher une solution et on en a déjà commandé l’ascenseur. Parce qu’il suffit pas que les gens arrivent au rez-de-chaussée, il faut encore qu’ils puissent aller à l’étage où se trouve la salle des mariages.
Gisèle Marlière
Notamment !
Jean-Paul Procureur
Donc ici, on parlait d’Uccle, mais Uccle, c’est un exemple parmi d’autres. Gisèle Marlière, donc je rappelle : vous avez fait un travail important là-dessus . Il y a une réglementation, une obligation donc que les nouveaux bâtiments soient adaptés pour l’accès pour les handicapés. Rien en ce qui concerne les anciens bâtiments. Mais même pour les nouveaux bâtiments, il paraît que les normes ne sont pas toujours respectées qu’il n’y a pas beaucoup de contrôle.
Gisèle Marlière
Tout d’abord, il faut savoir que c’est une matière qui est régionalisée. Après d’abord… je dirais une loi ou une réglementation qui était communautaire, c’est devenu régionalisé, donc les normes sont pas nécessairement tout à fait identiques, mais ce qu’on remarque de toute façon, c’est qu’il n’y a aucune contrainte dans le cadre de ces réglementations.
Jean-Paul Procureur
Donc si une autorité publique construit un bâtiment qui n’est pas accessible ou pas bien accessible pour les handicapés, il n’y a pas de…
Gisèle Marlière
Il n’y a pas de pénalité prévue.
Marc Cools
À Bruxelles, maintenant, il y a quand même un nouveau règlement régional d’urbanisme qui impose, lorsqu’on délivre les permis d’urbanisme, on est très attentifs dans les différents services publics…
Gisèle Marlière
Tout à fait, mais il n’y a pas de comment… de sanctions prévues.
Marc Cools
Vous ne recevez pas votre permis, hein.
Gisèle Marlière
Oui… mais il peut quand même arriver des situations où le permis sera délivré, quelle sera la sanction ? Après des années, peut-être qu’on suivra certains exemples comme dans certaines… en Région wallonne, où on en est arrivé à faire, je dirais, démolir certaines habitations, mais là, elles étaient privées. J’aimerais voir si ça se passera au niveau, je dirais, plus administratif ou plus public.
Jean-Paul Procureur
Merci beaucoup en tout cas vous entendez que c’est un débat qui mérite de continuer. N’hésitez pas à nous écrire pour nous faire part de vos réflexions, Passage de la bourse, 6000 Charleroi. Bonne soirée, à demain.