Raymond Philippart – ASPH
Donc, avant, qu’est-ce qu’on faisait ? On les cachait. On cachait la personne handicapée. Il y avait de la visite, on l’enfermait au grenier, etc. Elles étaient vraiment emprisonnées vis-à-vis de la société. Et maintenant quand même, avec l’évolution, on voit que de plus en plus enfin on n’a plus cette tendance-là.
Gésua Farruggia – ASPH Charleroi
Ça a changé beaucoup l’optique que les gens avaient de la personne qui était, qui avait un handicap. Je crois que ça, ça a été très important au niveau, au niveau… On en parle à la télévision, on en parle de plus en plus dans les journaux, etc. Et je crois que ça, ça a changé quand même. La vue qu’on avait de la personne handicapée.
Michel De Jaer – Mutualité socialiste (Solidaris)
Ce que je constate, c’est que toutes les minorités qui revendiquent de plus en plus de droits, que ce soit les personnes handicapées ou d’autres catégories sociales, au contraire, on en parle de plus en plus. On en parle de plus en plus pour pouvoir ne plus les stigmatiser.
Véronique Duchenne – Belgian Disability Forum (BDF) et Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH)
Je pense que les mentalités ont un peu changé. Dans, au niveau principe ça a changé, mais au niveau de la mise en œuvre, ça n’avance pas assez vite. Ça c’est clair. Donc je vois deux obstacles : éventuellement l’obstacle économique, et certainement pour moi, le premier obstacle, qui, pour moi, est déficient dans toute une série de domaines, c’est l’obstacle de se dire : est-ce que le produit, le service qu’on va mettre, qu’on va lancer sur le marché répond bien au besoin de la population ? Toute mesure doit être vue en win-win. L’emploi doit être un win-win, l’accessibilité un win-win. On oublie toujours qu’une personne handicapée qui bouge, qui va travailler, qui se déplace, c’est une personne handicapée qui consomme.
Edouard Delruelle – Solidaris
Le sentiment que j’ai, aujourd’hui, après quand même pas mal d’années à m’être intéressé à cette question du handicap, notamment sous l’angle de la non-discrimination, avant, aujourd’hui, celle de la solidarité, le sentiment que j’ai, c’est d’une certaine hypocrisie de notre société. Quand on parle de handicap, aujourd’hui, ça fait relativement consensus. Contrairement à des questions autour de la sexualité, ou des questions autour de la race, où il y a beaucoup moins de consensus. Mais, il y a un politiquement correct qui fait qu’aujourd’hui, on va reconnaître formellement les droits des personnes handicapées. On ne va plus trop se moquer des personnes handicapées. C’est évidemment très bien cela.
Mais on voit bien que derrière cette couche un peu galvanoplastique, comme ça, d’acceptation du handicap, on voit que notre société ne fait pas grand-chose, que les organisations ne font pas grand-chose, les employeurs ne font pas grand-chose, l’État ne fait pas grand-chose.
Frédy – Volontaire ASPH
Tout le public, toutes les personnes, doivent se rendre compte que les personnes en situation de handicap veulent s’intégrer. Il faut les aider à ça. Et la volonté n’est peut-être pas encore suffisante. La personne handicapée a envie de participer. Mais on ne la laisse pas toujours participer.
Andrée Maes – Altéo
Les attitudes de la société : Qu’est-ce qu’elle tolère ? Qu’est-ce ne qu’elle ne tolère pas ? De toute façon, on peut aborder autrement en disant que l’homme normal est un centre de gravité. Si je suis différent, on est tous un peu différents de l’homme normal. Tu as des lunettes, c’est déjà quelque chose. Mais c’est pas important, c’est toléré. C’est retenu par le centre de gravité qui tient le groupe ensemble. Si je suis trop différent, je n’ai plus cette attraction, ce lien, par rapport à l’homme normal. Je suis en dehors de la norme. Je deviens anormale ou je suis exclue et je tombe du groupe.
Marius Hanon – AViQ
Les personnes en situation de handicap restent encore régulièrement en dehors de notre monde, hein. Je prends l’enseignement par exemple, l’enseignement spécialisé existe toujours. L’entreprise de travail adapté existe toujours. On ne se pose pas de question par rapport à ce qu’est la personne qui est devant nous. C’est tout simple. Et ça veut pas dire gommer les différences. Ça veut dire accepter les différences, mais essayer d’en tenir compte pour la façon, disons, de vivre en société.
Andrée Maes – Altéo
Toute personne rencontre des limites. Si tu nais dans tel ou tel milieu, tu as plus de chances de faire des études ou de ne pas en faire. Et, bon, si tu es maigre ou si tu as beaucoup de force, ben tu feras autre chose quoi. Le handicap est une limite que je rencontre comme les autres rencontrent aussi d’autres limites. Mais j’ai pas envie de dire que c’est exceptionnel.
Edouard Delruelle – Solidaris
Le handicap est toujours quelque chose de variable en réalité, hein. Il se mesure aussi à la façon dont notre société est organisée. Pour une grande part des handicaps. Quand on pense à nouveau à la mobilité, si tout notre environnement était pensé en fonction des personnes, des personnes éventuellement porteuses de handicap temporaire ou permanent, ben, il y a des tas de handicaps qui n’en seraient plus, en quelque sorte. C’est la société qui met aussi en handicap toute une série de personnes, toute une série de publics, que ce soit des handicaps mentaux ou des handicaps physiques. Donc, et qui décrète que telle particularité, en quelques sortes, ou telle différence est un handicap. Et donc, moi j’ai toujours beaucoup de réticence à dire : ben voilà il y a les personnes handicapées et puis les autres qui doivent changer leur regard, etc., etc. Mais de se dire que nous sommes tous avec des différences, tous porteurs soit de handicap soit de particularités à un moment donné, et que on doit vivre ensemble et que heureusement, on vit ensemble.
Voilà, donc j’essaie un peu de casser cette idée qu’il y aurait l' »autre », en quelque sorte, ou que la personne handicapée serait une autre. Parce que c’est toujours à partir d’une norme, il y a toujours l’un, et en général, c’est quelqu’un comme moi hein, c’est-à-dire quelqu’un qui a plus de 50 ans, qui est homme, qui est réputé hétérosexuel, etc. , etc. et c’est ça, la norme. Et puis, il faudrait, et puis, il y aurait l’autre. Et, par exemple, porteur de handicap. Je pense qu’il faut un peu casser ça. Et se dire que les différences, nous les portons tous et toutes.
Daniel Tresegnie – Direction Générale Personnes Handicapées
Vous demandez combien de handicapés il y a en Belgique, personne n’est capable de vous répondre, hein. Personne n’est capable de vous répondre, hein. Parce que il y a, j’exagère mais, 36 services qui peuvent s’occuper du handicap. Chacun a ses propres critères, ses propres définitions. Les banques de données ne sont pas croisées puisque ce ne sont pas les mêmes… Ce ne sont pas les mêmes critères. Donc personne ne sait dire, il n’y a pas de définition unique du handicap en Belgique. Hein, donc, c’est chaque fois une définition qui est liée à la finalité de la législation qu’on veut mettre en œuvre. Et généralement, les seules statistiques qu’on connaisse, ou dont on dispose, c’est celles qui sont liées à cette mise en œuvre, par un service, d’une législation donnée.
André Gubbels – Direction Générale Personnes Handicapées
Quand vous ne connaissez pas le monde du handicap, on a une image caricaturale du handicap comme quelque chose d’uniforme, de connu, de… une personne handicapée, c’est quelqu’un en chaise roulante. Et ça, c’est très problématique. Parce que, en fait, s’il y a bien quelque chose, où je dis toujours après 35 ans : la personne handicapée n’existe pas. Vous ne savez pas la dessiner. Ce sont des personnes comme vous et moi avec autant de différences. Et quand vous les ramenez, les personnes, à un trait particulier, vous ne définissez pas une personne. Donc, je mets en garde toutes les personnes : lorsqu’on parle du handicap, c’est un problème. La définition même de qualifier les personnes handicapées est un problème. Elles n’existent pas. Où elles existent dans une réalité qui, je pense, est réelle c’est… Ce sont des personnes, en raison de leur différence, les différences ne sont pas des différences où elles forment un groupe homogène, on exclut de la société.
Je pense que si on a cette perception-là on a cette perception, je pense, qui est très importante qu’on est pas là pour aider des gens particuliers, avec des problèmes particuliers ; on est là pour résoudre des questions qui nous touchent tous. À savoir : pourquoi les écoles, pourquoi les transports, pourquoi le milieu du travail, pourquoi nous ne pouvons pas vivre ensemble malgré nos différences ? Et j’invite toujours les personnes à dire : réfléchissez, parce que c’est ça, en fait, la vision moderne sur le handicap, le handicap, c’est pas des gens. Ce sont des situations que nous créons avec nos façons de penser et d’agir. Donc c’est un effort sur nous-mêmes.
Lucie – Volontaire ASPH
Très souvent les gens ne se rendent pas compte de l’impact que ça a au quotidien. Ils ne se rendent pas compte que, quand on nous regarde c’est pas… hein j’ai peut-être pas l’air très malade, mais c’est ce que je vous montre. Quand je suis chez moi en train de souffrir dans mon lit, personne ne me voit. Et ça, les gens ont du mal à faire la différence, je trouve. Ils se limitent à une image de vous. Ils vous voient 5 minutes et, hop, ils vous cataloguent. Mais ils ne voient pas tout ce qu’il y a derrière. Si je fais un effort, par exemple, ils ne voient pas que pendant une semaine je vais être bloquée dans mon lit, tellement j’ai mal. Donc il y a peut-être un problème de mise en perspective. Mais bon c’est toujours un problème de manque de reconnaissance, hein. Et de connaissance. Un problème de manque d’information. Quand on explique, les gens, souvent, se rendent compte, mais ils ne savent pas. Il faut qu’ils soient prêts à écouter et que moi j’ai la patience de, chaque fois, répéter la même chose.
Césarine – Volontaire ASPH
Les gens qui me disent : « tu portes une canne blanche et tu vois quand même ! » Mais je vois pas du tout votre figure hein. Je ne vois rien du tout. Moi, je dis toujours : Je suis malvoyante hein ». Mais ils ne comprennent pas toujours, hein. Et quand on n’est pas dans le cas on ne comprend pas si vite. Et surtout les handicaps qu’on ne voit pas directement, ça, c’est mal compris des autres gens, hein. Terrible. Quelqu’un dans une chaise roulante, on le voit de loin. Alors on laisse passer et tout ça. Mais malvoyante c’est pas aussi facile que vous pensez. Rien du tout.
Edouard Delruelle – Solidaris
La solidarité, ça veut dire quoi ? Pour moi c’est quelque chose de très simple. En réalité, c’est : une liberté égale pour tous. Donc moi j’inclus dans l’idée de solidarité, avec les personnes différentes, par exemple porteuse de handicaps de toujours penser : « Est-ce qu’elles ont les mêmes capabilités que moi ? Est-ce qu’elles ont les mêmes capacités de vie que moi qui ai la chance de ne pas avoir de handicap ? » Et c’est important de se dire donc c’est pas la charité, c’est pas de l’aumône, c’est pas une aide ponctuelle, c’est vraiment de se demander si la liberté de la personne est égale à celle des autres.
Jacques Olin – Solidaris
Winston Churchill a dit que la démocratie était le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres. Et bien la démocratie, il faut que tous les individus aient le même droit, les mêmes possibilités. Et je le disais tout à l’heure : quelle que soit leur origine, quel que soit leur handicap qu’il soit physique ou social ou n’importe quoi. Quand on arrivera à ça, et bien, on aura une société inclusive, où chacun respectera les autres dans ce qu’il est et non pas dans ce qu’il « a ».